La décision des chefs d'Etat prise à l'issue du sommet de Libreville
tarde à se concrétiser aux frontières des différents pays membres, où
le visa reste exigé aux ressortissants de certains pays de la
communauté.
Rien n'a changé. Aux frontières avec le Gabon et la Guinée
équatoriale, le voyageur doit présenter son passeport avec un visa
valide. Une image, bien banale et courante, illustre le vœu de la
libre circulation. Christèle Mengue, vendeuse de denrées alimentaires,
montre sa marmite de nourriture : « Voici mon passeport et mon visa,
je circule et vends partout, de chaque côté de la frontière ». Elle se
dit « étonnée » d'entendre parler de « libre circulation ». Pour elle,
comme pour des dizaines d'élèves du Gabon et de Guinée équatoriale,
aucun problème ne se pose.
Ils traversent, quand besoin est, la frontière, viennent suivre leurs
cours, à l'instar de leurs camarades camerounais fréquentant
différents établissements scolaires à Kye-Ossi ou voir des membres de
leur famille installés ici.
Le petit cliché relève donc de l'exception. En réalité, tout voyageur
venant du Cameroun et se rendant soit au Gabon, soit en Guinée
équatoriale, doit présenter patte blanche aux services d'immigration,
de douanes et de sécurité pour continuer son voyage. Samedi dernier,
au poste frontière Cameroun-Guinée équatoriale, communément appelé «
la chaîne » ou le « mbeng » (le bâton, en langue locale), selon que
l'on se trouve au Cameroun ou en Guinée équatoriale, l'employé du
ministère de la Sécurité nationale a posé, plusieurs centaines de
fois, la fameuse question, dans un espagnol sans détours : «
Documentos ? » -Vos papiers, s'il vous plaît ?, traduisons-nous avec
raffinement. Et, à chaque fois, il a feuilleté, scruté, examiné, avant
d'« authentifier » les documents à lui présentés. Jusque-là, on n'est
pas sorti d'affaire.
L'épreuve orale soumet le voyageur à répondre, avec élégance et
simplicité à une batterie de questions sur ce qu'il va faire en Guinée
équatoriale, chez qui il va, pour combien de temps... Et, s'il vous
plaît, le voyageur a tout intérêt de se montrer convaincant, sinon il
s'entend dire : « fuera », c'est-à-dire «sortez». Une sentence qui
vous ferme définitivement les portes. La messe, pour vous, est dite.
Et, au suivant... Dans certains cas, - et nous l'avons expérimenté
samedi dernier,- vous êtes autorisé à laisser votre carte nationale
d'identité ou passeport en consigne, si vous dites aller faire des
achats à Ebibeyin, la ville la plus proche, située à moins de cinq
kilomètres. Vous pouvez alors revenir, en compagnie des
Equato-guinéens, entrer au Cameroun, sur simple présentation de sa
carte nationale d'identité ou de la carte grise de votre véhicule. «
Savez-vous que la libre circulation des hommes et des biens est déjà
en vigueur ? », se risque-t-on de poser à l'agent de l'immigration. «
Vous n'avez pas de questions à me poser. Vous n'êtes pas dans votre «
païs » ici », s'entend-on sèchement répondre. Si nous avions posé
cette question tout à l'heure, avant de faire un tour à Ebibeyin, on
n'aurait pas bénéficié du droit de traversée...
Liberté de circuler, pas liberté de résidence
Un tour à la frontière gabonaise, deux kilomètres plus à l'Est, laisse
constater un flux moins intensif. Des va-et-vient semblent plus
fluides, décontractés. Après identification et enregistrement côté
camerounais, la traversée du pont sur la rivière « Kye » se fait
allègrement, après un pot pris sur la terrasse de la « Cité des trois
glorieuses nations ». Mathieu E., appelons ainsi ce jeune Camerounais
qui, dit-il, requiert l'anonymat pour de raisons de sécurité, est
transporteur sur la ligne Kye-Ossi-Bitam-KyeOssi. Pour 1.500 F.Cfa, il
a la joie de nous embarquer dans sa Carina, immatriculée en République
gabonaise, pour un trajet d'une heure.
Au poste de Meyo-Kye, côté gabonais, nouvelle identification et
enregistrement. « A Bitam, rendez-vous au poste d'immigration, obtenir
votre visa », conseille un agent. Et hop ! Nous voilà en route, au son
d'anciens makossa.
A Bitam, l'exigence du visa est non-négociable. Il faut rebrousser
chemin. Nous ne disposons pas des 50 000 francs demandés. Ce qui
semble dérisoire comparé aux révélations de cet Africain de l'Ouest,
ayant fait le voyage Kye-Ossi-Bitam avec nous, et qui dit qu'il lui
est demandé une somme de ... 150.000 F.Cfa
Aimé-Francis AMOUGOU
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