Cameroun - Opération épervier: Polycarpe Abah Abah condamné à 25 ans de prison. 29 immeubles, 8 comptes bancaires et 9 véhicules saisis

Polycarpe Abah Abah, ancien ministre des finances du Cameroun Credit photo : @archives

 

Abah Abah condamné à 25 ans de prison par le Tribunal criminel spécial. Par ailleurs, 29 immeubles, huit comptes bancaires et neuf véhicules de l’ex-ministre des Finances ont été saisis, au terme du verdict rendu hier.

 

Dans les affaires de l’opération Epervier, les justiciables étaient jusqu’ici habitués à écouter le juge Gilbert Schlick lire les verdicts pendant des journées entières et de manière ininterrompue au Tribunal de grande instance du Mfoundi. Depuis que le Tribunal criminel spécial (Tcs) est fonctionnel, aucun verdict comme celui prononcé hier, 13 janvier 2014, n’a jamais autant mis long. Neuf heures d’horloge au bout desquelles Yap Abdou, le président du Tcs a dû mettre à contribution Francis Claude Moukouri et Evelyne Enyegue, les autres membres de la collégialité, pour lire la décision de culpabilité prononcée contre Polycarpe Abah Abah, l’ex-ministre des Finances, et le condamnant à 25 ans de prison ferme.

Polycarpe Abah Abah avait été renvoyé en jugement pour des accusations qui remontent à la période où il était directeur des Impôts. Sur le chef d’inculpation de détournement de deniers publics de 1, 095 milliard FCfa représentant les frais d’assiettes et de recouvrement de la direction des Impôts, l’ancien ministre des Finances a été déclaré coupable pour avoir délivré 13 chèques bancaires compris entre 3 millions et 100millions FCfa sans en apporter de compte d’emploi desdits fonds. En effet, tel que l’a démontré l’accusation, cet argent avait été retiré par Mme Mewoulou Berthe, billeteur, dans le compte de la direction des impôts logé au Crédit foncier. Des opérations qu’elle menait grâce à une série de chèques signés seuls par Polycarpe Abah Abah.

Des sacs d’argent sans décharge

Pour se défendre, Abah Abah a argué que c’était pour ravitailler les caisses du billeteur. Mme Mewoulou quant à elle a avoué que lorsqu’elles étaient retirées, ces sommes d’argent étaient rangées dans des sacs Mbandjock et transportés jusqu’au bureau du directeur des Impôts.

 

« Je m’assurais auparavant de la présence du directeur des Impôts dans son bureau. A mon arrivée, je versais l’argent sur la moquette pour reconnaissance des fonds sans aucune décharge », avait révélé Mme Mewoulou. Les juges ont conclu que « Mme Mewoulou n’a agi qu’en tant que commissionnaire. Le mandataire exclusif à qui il incombait seul de justifier ces fonds, c’est Polycarpe Abah Abah. Il échet de mettre Mme Mewoulou hors de cause et de déclarer Polycarpe Abah Abah coupable. »

 

Chéquiers réceptionnés par les secrétaires

 

Sur le détournement de 47.251.000 FCfa qui a également été perpétré par le biais d’une série de chèques signés par Abah Abah et décaissés par Ntelep Ntelep, billeteur, décédé, Abah Abah a dit comme pour la précédente somme que ces décaissements ont été faits pour ravitailler les caisses du billeteur. « Cet argent a servi aux paiements des fonds spéciaux. Je n’ai jamais rien reçu de M. Ntelep », a affirmé Abah Abah. Devant le juge d’instruction, avant sa mort, M. Ntelep avait déclaré que ces fonds étaient réceptionnés par les secrétaires du directeur des Impôts contre décharge et qu’aucune somme ne lui était retournée. « Les dénégations de Abah Abah ne sauraient prospérer. Il était le mandataire exclusif et les chéquiers des comptes de la direction des Impôts étaient conservés par ses secrétaires.

 

Faute de n’avoir pas produit les justificatifs de la destination de ces montants, il échet de le déclarer coupable sur ce chef d’inculpation », décide la collégialité des juges.
En ce qui concerne le détournement de 155.000.000 FCfa, il apparait que c’est également Abah Abah qui a ordonné à Mme Sylvie Chantal Evina, elle aussi billeteur à la direction des Impôts, le décaissement des sommes d’argent. « Faute de n’avoir pas justifié l’utilisation des fonds prélevés dont il a ordonné la sortie, il convient de déclarer Abah Abah coupable et de mettre Sylvie Chantal Evina hors de cause », tranchent les juges. Abah Abah a aussi été reconnu coupable du détournement de 6 milliards FCfa, représentant l’écart entre les sommes collectées et celles effectivement reversées au Crédit foncier du Cameroun entre juin 2003 et décembre 2004. « Les sommes collectées étaient utilisées à d’autres fins. Un concert criminel orchestré par Polycarpe Abah Abah et Manga Pascal. Il convient de les déclarer coupables », statue le collège des juges.

 

« Je n’en veux à personne »

 

En revanche, le Tribunal a reconnu Abah Abah non coupable du détournement de 15 millions FCfa au bénéfice du doute. Toutefois, 29 immeubles appartenant à l’ancien ministre sont confisqués. Il s’agit de 11 immeubles ruraux répertoriés à Zoétélé, son village, situé dans la région du Sud du Cameroun, d’un immeuble urbain à Essos, à Ekounou, à Nsimeyong, à Mendong, à Bastos, à Nkomo, à Efoulan, à Mfandena, à Odza, à Soa, à Mfou, de deux immeubles urbains à Messamendongo et de cinq immeubles urbains à Minkan (non loin de Nsimalen). En outre, cinq comptes bancaires logés à la Bicec, deux comptes logés à la Scb et un de ses comptes logé à la Cbc ont été bloqués. Tout comme un véhicule de marque Peugeot, un véhicule de marque Maxima, un véhicule de marque Nissan, un véhicule de marque Toyota, une Rav 4, un véhicule de marque Infinity et trois tracteurs lui ont été retirés.

 

Polycarpe Abah Abah a été condamné à payer au Crédit foncier 7 milliards FCfa à titre de dommages et intérêts et 1 milliard FCfa à l’Etat du Cameroun.
« Je ne garderai ni haine, ni rancune. Je n’en veux à personne. Je sais que je suis innocent. Je sais que je n’ai rien fait », a réagi le condamné.

Eitel Elessa Mbassi

 

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