Intellectuel éclectique, l’enseignant d’université se prononce sur
l’ambiance autour des Lions Indomptables et les retombées possibles à
l’issue de Brésil 2014.
Comment avez-vous accueilli la qualification de l’équipe nationale du Cameroun pour la coupe du monde de football prévue au Brésil en 2014?
C’est avec plaisir que j’ai accueilli la qualification des Lions
indomptables qui, pour moi, sonne comme une demi-surprise, en raison du
caractère assez moyen des dernières prestations de notre sélection
nationale. Cela voudrait dire que j’avais un certain scepticisme quant à
leur capacité de se qualifier. Maintenant, en ce qui concerne la
compétition à venir, il y a encore beaucoup de travail à faire. Car,
cette équipe n’a pas encore le niveau mondial.
A quel niveau cela clocherait-il, puisque vous vous intéressez à l’aspect technique ?
L’équipe du Cameroun joue trop lentement et elle est incapable, comme
elle le faisait par le passé, d’alterner entre de longues phases de
lenteur et quelques moments d’accélération. Il n’y a pratiquement plus
du tout d’accélération dans son jeu. Or, dans le football moderne
aujourd’hui, il faut savoir utiliser la vitesse parce que c’est ce qui
permet de déséquilibrer l’adversaire. On obtient cette vitesse en
particulier quand on peut avoir de la, percussion au niveau des milieux
de couloir. Et, en la matière, le Cameroun a un sérieux déficit. La
précédente génération, notamment la génération triomphale de 2000/2002
avait précisément sur les côtés gauche et droit de très bons couloirs
assez complémentaires aussi bien dans les phases offensives que dans les
phases défensives avec Salomon Olembe et Pierre Wome Nlend à gauche,
Geremi Ndjitap et Etame Mayer à droite.
Un contemporain a dit, il y a quelques jours qu’il n’était pas bénéfique pour le Cameroun de garder l’encadrement technique en place, pour le rendez-vous brésilien. Etes-vous aussi de cet avis ?
Je partage largement cet avis. Non pas que tous ceux qui constituent
cet encadrement ne soient pas de qualité. Mais, je demeure assez réservé
sur la qualité de l’entraîneur principal. Jusqu’ici, il ne m’a pas
convaincu. Cela malgré la victoire de l’autre jour. S’il faut agir, il
faut le faire rapidement, en changeant de sélectionneur pour avoir un
sélectionneur de format mondial. L’actuel ne me semblant pas en être un.
Alors, lorsqu’un pays en qualifié pour une phase finale de la coupe du monde, quelles peuvent en être les retombées directes et indirectes?
Il y a des retombées directes qui tiennent au faut que la Fifa alloue
des fonds aux pays qualifiés. Notamment les fonds destinés à la
préparation, qui concernent l’ensemble des aspects. Il y a des fonds
alloués à l’issue de la phase finale, qui viennent établir, pour le pays
participant, quel est le retour qu’il peut avoir du fait de sa
participation.
Peut-on espérer des retombées indirectes, notamment sur le plan économique ?
Les retombées économiques ne sont évidemment pas directes, pour ce
qui concerne l’économie extra-sportive. Elles dépendent de la qualité de
la stratégie d’un pays à convertir en ressources sa participation à une
coupe du monde. Surtout lorsque cette participation donne lieu à une
prestation honorable. Voilà pourquoi il est important d’inclure dans la
préparation de l’événement des volets ayant trait à la communication non
seulement autour de l’image de marque de l’équipe, mais aussi autour de
l’image de marque du pays, pour éventuellement préparer le terrain à
profiter d’un effet d’aubaine si l’équipe réalisait une participation
honorable. Le Cameroun à cet égard n’a pas suffisamment tiré profit de
sa prestation fort honorable de 1990.
Nous avons eu 1982, 1990, 1994, 1998, 2002 et 2010. Si le Cameroun n’a pas capitalisé sa prestation de 1990, pensez-vous de ce fut le même sort pour les autres participations?
Les autres rendez-vous l’ont été encore moins. Non pas que des
ressources ne sont pas rentrées ; mais, on connaît le caractère
chaotique, erratique et même cleptocratique de la gouvernance de notre
football. Jamais, il n’y a eu de transparence sur ces fonds, qui ont été
alloués au Cameroun : d’abord pour la préparation de ces différentes
participations, mais aussi pour les fonds alloués à l’issue desdites
participations. Jamais, au niveau fédéral, il n’a clairement été établi
le niveau de fonds reçus et, surtout, on n’a jamais indiqué comment
lesdits fonds devaient être utilisés. On n’a non plus jamais rendu
compte de leur utilisation effective. Cela voudrait dire qu’autour de ce
pactole, il y a eu des appétits qui se sont exprimés.
Parlant de l’image de marque du Cameroun, pensez-vous que le football a mieux travaillé que la diplomatie pour reprendre l’un de vos collègues ?
Je pense que c’est une formule lapidaire qui voudrait dire qu’à leur
niveau, les Lions indomptables ont permis au Cameroun de cultiver son
image de marque dans le monde. Mais, on ne saurait pour autant penser
que la diplomatie camerounaise, quelles que soient les contraintes
qu’elle rencontre, ne travaille pas à promouvoir l’image de marque du
Cameroun. Il est vrai que les grandes compétitions sportives à l’instar
des Jeux olympiques ou particulièrement de la coupe du monde de
football, sont de véritables plateformes, qui peuvent permettre de
promouvoir l’image de marque d’un pays, quand ses représentants
s’expriment de manière honorable et prestigieuse dans ces compétitions.
L’on a souvent constaté une présence des accompagnateurs, plus nombreux que les athlètes concernés par la compétition. Est-ce un bien ou un mal, si l’on se met dans la perspective des retombées indirectes ?
La solution serait que ne soient présents que ceux qui sont
véritablement indispensables. Notablement sur le plan technique. Quant
aux accompagnateurs institutionnels, il paraît utile d’en limiter le
nombre pour ne pas créer un certain nombre de dysfonctionnements dans
l’environnement de notre sélection nationale. Car, la présence massive
de hauts fonctionnaires du ministère de tutelle ou de la fédération
favorise aussi un certain nombre de man?uvres de grenouillages et
d’intrigues autour de l’équipe. Sur le plan politique, les Lions
indomptables étaient devenus un mot clé des discours du chef de l’Etats
et bien d’autres acteurs de cet espace.
Mais, étaient jetés au placard. Comment appréciez-vous cette gymnastique ?
C’est de bonne guerre puisque l’utilisation que les politiciens ont
pu en faire est une utilisation opportuniste. Celle qui faisait des
lions indomptables un symbole édifiant pour l’ensemble de la nation et
particulièrement pour la jeunesse était évidemment liée à des calculs
politiques précis. Il s’agissait pour le pouvoir en place et
particulièrement pour le président de la République de profiter de
l’image de marque des Lions indomptables et de se positionner comme la
source fondamentale de ces victoires sportives qu’on mettait au compte
du système gouvernant en place. Les victoires devenant en quelque sorte
le bilan des gouvernants en place.
Que proposeriez-vous pour que le Cameroun s’en tire avec de bonnes retombées, à l’issue de la prochaine coupe du monde ?
Pour assurer une bonne participation du Cameroun, il faut qu’au
niveau de la présidence de la République, on commence à préparer le
dispositif qui va permettre de conduire le Cameroun jusqu’en coupe du
monde. Qu’on veille à ce que ce dispositif travaille de manière sereine
et sérieuse. Il s’agira surtout d’éviter qu’il y ait des délégations
pléthoriques et folkloriques pour la coupe du monde. Du moins en ce qui
concerne ceux qui peuvent approcher les Lions indomptables.
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