Suite à un récent rapport, le Cameroun a été désigné comme premier de la liste. Que mange-t-on réellement ? Combien de fois mange-t-on par jour ? Quelles sont nos préférences culinaires ?
Combien de fois vous mangez en moyenne par jour ? Avez-vous des heures précises auxquelles vous mangez ? A l’approche de plusieurs personnes pour qu’elles répondent à ces questions, l’embarras se lit sur les visages. Normal. Ici, les heures conventionnelles auxquelles ont est censé manger sont connues de tous, mais elles sont loin d’être respectées. Ainsi, il y a deux mois, un classement a été publié par le magazine Jeune Afrique. Le Cameroun serait le pays au monde où on mange le plus. Devant le Pakistan, l’Inde, la Chine et d’autres pays très peuplés.
Un tour à un endroit connu de la Yaoundé suffit à donner quelques éléments de réponse. Nous sommes dans un couloir de l’Avenue Kennedy. Ici, comme à autres endroits, la nourriture vient à vous, et non le contraire. Assis sur des bancs en bois, les vendeurs de téléphones, réparateurs, et autres commerçants discutent entre eux. Il est 10h. L’un des interlocuteurs se plaint de n’avoir rien mangé depuis le matin. Un défilé commence. Tour à tour, des vendeurs ambulants se mettent à passer. Notre commerçant a l’embarras du choix. En 20 minutes à peine, des beignets au sucre, des croquettes, des chips, des arachides bouillies ou grillées, du pop-corn mélangé à des arachides dits « du village », des oeufs à la coque avec du pain et de la mayonnaise, des crêpes au sucre, des chocolats, des biscuits, des brochettes de viande, sont passées.
Le client se décide finalement lorsqu’une dame, munie d’une petite marmite sur sa tête, s’approche. Elle s’arrête, fait descendre la marmite et présente une sauce à la tomate, garnie de morceaux de viande et de peau de boeuf. Il y a du pain en accompagnement. La commande est simple : un demipain chargé de cinq morceaux de viande. Le sandwich bien pimenté coûte 600 F.Cfa. Le tout accompagné de 50cl de boisson gazeuse achetée dans le coin. Ses collègues, agglutinés face à lui, se mettent à le réprimander : « Tu manges trop. On t’a déjà dit de demander à ta femme de te faire le petit-déjeuner le matin avant de sortir », lui dit l’un d’eux. Et un autre d’ajouter : « Sinon, tu t’arrêtes chez Daouda, tu prends une tasse de lait et une bonne omelette. Comme çà, tu ne vas plus embêter les gens avec ta famine. »
Rendez-vous donc chez Daouda que recommandent fortement certains commerçants. Il s’agit d’une espèce de boutique-restaurant. Le propriétaire a installé deux longs bancs pour que les clients puissent s’installer en attendant leur commande. Devant lui, s’est formé un rang d’une dizaine de personnes. Des hommes en majorité. Le menu est écrit sur une planche callée près de la porte par laquelle seul Daouda passe lorsqu’il sort. On peut lire dessus : omelette simple, omelette garnie, tasse de café, tasse lait, pâtes sautées. Les prix varient entre 125 et 500 F.Cfa. On peut manger sur place ou à emporter.
Plats traditionnels
Midi. Heure réservée à la pause dans plusieurs bureaux. Dans un restaurant, sis au quartier Obili, réputé pour ses mets traditionnels (eru, sauce jaune et taro, ndjama ndjama, etc…), on passe le dernier coup de balai. D’un moment à l’autre, l’endroit sera bondé. Les serveuses ajustent leurs jupes. Quelques minutes plus tard, un homme, vêtu d’une veste et d’un pantalon gris, l’air sérieux, entre et s’assoit. Il commande un plat d’eru, avec supplément de sauce jaune. Le tout arrosé d’une brique de vin rouge. Puis, deux, trois, quatre personnes rentrent comme sorties du chapeau d’un magicien. La salle se remplit en moins d’une heure.
Des tables sont installées à l’extérieur pour les nouveaux venus. Ça s’active dans la cuisine. Les grosses marmites disposées à même le sol, se vident peu à peu. Les clients viennent, mangent et s’en vont. Ceci jusqu’à 18h, heure à laquelle l’établissement ferme ses portes. Non loin de là, des étudiants, sortant de l’école Polytechnique, se dirigent vers un vendeur de soya. Le monsieur propose également du poulet et du plantain braisé. Sans compter les femmes qui passent, armées de leur bassine en aluminium qui contient un thermostat plein de nourriture.
Elles proposent du eru, de la sauce d’arachide avec du poisson frit, accompagné de riz, de plantain ou de manioc, du coki, de la banane malaxée, etc. A Elig-Essono, un autre type de nourriture fait courir les personnes qui n’arrêtent pas d’affluer dès 12h. Un vendeur de soya, installé sous une toiture faite de tôles de fortune, et ses trois frères attirent chaque jour une centaine de personnes au lieu-dit carrefour Ceper. Les quatre vendent de la viande de boeuf, du mouton, du poulet, des plantains et du pain. Un cinquième s’ajoute à la liste, en proposant aux clients du thé aromatisé au miel et au citron.
A quelques pas de là, une dame, elle, fait du bouillon de jarret de boeuf et sert ses clients presqu’au même endroit que ceux de notre fratrie. Dans le cas où il est impossible de se déplacer pour le déjeuner, certaines structures et quelques commerçants ont créé un service à domicile. C’est simple. Vous avez le numéro de portable d’un ou d’une vendeuse de nourriture. Une fois midi sonné, vous l’appelez pour passer votre commande. Une véritable bataille à cet effet se livre chaque jour à côté du commissariat central n°1 de Yaoundé. Marmites gigantesques, barbecues géants, grilles, poissons braisés, poulets, frites de plantain, épluchures de bâtons de manioc, boites de mayonnaise et autres assaisonnements font office de décor. Les propriétaires ont chacune une ou deux filles de courses.
Des commerciales qui prospectent dans les bureaux environnants. Chacune connait ses « asso », du moins ses clients, à qui elle prend les commandes. Pour peu qu’un habitué de l’une d’entre elles décide d’aller chez sa voisine, la guerre est déclarée. Chacune a son arme, soit un petit rabais sur l’addition de temps en temps, soit les crédits que le client peut régler à la fin de la semaine, voire du mois. Pour ceux qui ont plus de moyens et à cheval sur l’hygiène, les restaurants dits Vip sont regroupés dans les quartiers les plus huppés de la capitale. A l’entrée, un serveur vous dirige vers une table, une fois assis, on apporte une carte. Un autre serveur vous propose aussi la carte des vins et peut vous recommander un plat selon vos préférences. En général, ces restaurants servent également de lieux de rendezvous d’affaires et autres. Du coup, les propriétaires se plient en dix pour fidéliser une clientèle plus qu’exigeante.
Selon le pays d’origine des maîtres des lieux, on propose soit des spécialités françaises, italiennes, chinoises, vietnamiennes, et on en passe. Ici, il est possible alors de goûter à des saveurs venues d’ailleurs.
Les noyaux
Passée l’heure du déjeuner, qui varie au Cameroun selon le secteur d’activité dans lequel on intervient ou la disponibilité de tout un chacun, tout le monde reprend une activité normale. Ce qui n’empêche certaines personnes de continuer à manger tout ce qui leur tombe sous la main. Cette fois, nous sommes au marché Mokolo. Il est 15h30. Les machines à glace sont alignées en bordure de route, les unes après les autres. Les vendeurs proposent à chaque passant, piéton ou passager des véhicules, de goûter à leur délice glacé. Ils leur remettent un sachet contenant un peu de leur glace, parfum chocolat, vanille ou fraise.
Quelques minutes plus tard, c’est la dame qui vend le maïs bouilli qui s’installe et place un épi au vu et au su de tous, de façon à attirer la clientèle. Tandis qu’en face, deux jeunes enfants traversent gaiement la rue à chaque fois que le feu est rouge, pour proposer aux taximen leurs arachides bouillies. En avançant vers le supermarché Dovv, c’est un homme, vêtu d’une blouse blanche et d’un chapeau de chef, qui se met à crier « chauds, chauds, noyaux ». Il marché à pas pressés. Il tient un thermostat bleu qu’il ouvre à chaque fois qu’on l’interpelle.
Il a disposé dans son assiette une multitude de noyaux, ces boulettes faites à base d’abats de boeuf et de piment. Tout autour, des femmes continuent de braiser du maquereau, des carpes. Plus haut, c’est le caramel qui est roi. Les plateaux du précieux apéritif sont rangés sur de petits tabourets. A côté, des plateaux de noisettes, du sanga et de l’okok. La nuit tombée, on revient aux classiques : poisson braisé, porc braisé, poulet frit ou le célèbre beignet-bouillie-haricot. Sinon, on rentre tranquillement chez soi pour dîner en famille, et, profiter de la cuisine faite maison. Cette dernière est celle que recommandent le plus les diététiciens. « La cuisine que l’on fait soit même a cet avantage qu’elle est faite selon vos préférences et selon vos besoins.
Elle s’avère toujours plus légère et de meilleure qualité que celle vendue à tous les coins de rue », conseille une spécialiste. En plus de cette consigne, bien que très peu de cas d’obésités soit signalés dans la population camerounaise, la diététicienne conseille néanmoins d’organiser son alimentation. Une alimentation qui doit être saine et équilibrée. Les fruits, dans ce sens, jouent un rôle très important, raison pour laquelle il est possible de s’acheter des portions de fruits de saison partout dans la ville.
« Selon la bourse de tout un chacun, il est possible de manger sainement et ne pas être exposé au surpoids. Il suffit de manger à des heures régulières, prendre un petit-déjeuner copieux, un repas équilibré à midi et léger le soir. Il est toujours préférable d’incorporer à son menu des fruits, sources de vitamines, ils aident beaucoup à la digestion », ajoute la spécialiste.
© Le Jour : Inès Ntsama
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