Si le phénomène des jeunes qui
quittent les campagnes pour les villes est très fréquent, au Cameroun,
on assiste de plus en plus au phénomène inverse. Fièrement, Guillaume
Keng présente sa pépinière de cacaoyer à ses visiteurs. Sous un hangar,
des pots contenants de jeunes plans de cacaoyers sont alignés les uns à
côté des autres. Il explique volontiers que ses plants n’ont que deux
mois et qu’il attend leur maturité pour commencer sa nouvelle
plantation.
Credit photo: @archives
Guillaume Keng
âgé de 28 ans vivait jusque là à Douala, capitale économique du
Cameroun. N’ayant pu trouver du travail, il décide de s’auto-employer.
«J’étais au chômage et je vivotais. Un jour, j’ai eu marre de cette vie
de misère en ville et j’ai décidé de retourner au village pour me lancer
dans l’agriculture », explique Keng, rencontré par l’agence Anadolu à
Log-Nkoll, son village. Le phénomène des jeunes qui quittent les
campagnes pour les villes est très fréquent. Mais au Cameroun, on
assiste de plus en plus au phénomène inverse. Les jeunes comme Guillaume
Keng quittent les villes pour retourner pratiquer l’agriculture au
village.
Les chiffres exacts sur cet
exode urbain ne sont pas connus mais le Conseil interprofessionnel du
cacao et du café (Cicc), le plus grand regroupement de producteurs de
ces filières du Cameroun, a créé un programme pour accompagner ces
jeunes et les aider à se professionnaliser. Ce programme appelé «New
génération, a été mis en place, en juin 2012, dans l’optique de rajeunir
la force de production et les vergers en incitant les jeunes
camerounais à s’investir davantage dans la cacaoculture et la
caféiculture», explique Omer Maledy, le secrétaire exécutif du CICC à
Anadolu.
«Chaque jeune qui s’engage
dans le programme New génération est suivi pendant trois années. Au
cours de cette période, il reçoit neuf formations. Il reçoit également
tout le matériel phytosanitaire et agricole dont il a besoin pour mettre
sur pied au moins un hectare de plantation par an», ajoute
Maledy. Comme beaucoup de jeunes sans revenus, Guillaume Keng n’avait ni
formation agricole ni moyens matériels pour commencer sa nouvelle
activité. Heureusement, il a postulé pour intégrer le programme New
génération et il a été retenu.
«Mon
seul apport c’est le terrain. Pendant trois ans, je reçois gratuitement
tout le reste de matériel dont j’ai besoin pour mon activité. New
Generation me donne par exemple un pulvérisateur, un arrosoir, des
bottes, des gants, un cache-nez, des sachets, de l’engrais, des
insecticides, des fongicides et autres produits phytosanitaires», révèle
Keng. «En associant le cacao au bananier plantain par exemple, j’ai un
revenu d’environ un million la première année (1600 Usd) et au moins
trois millions FCFA (4800 Usd) au bout de la troisième année. Mais le
plus important c’est la formation que je reçois. Je suis formé en
entreprenariat agricole. Ainsi, après la fin du financement, je pourrais
continuer de faire vivre mon exploitation agricole», ajoute Keng.
Le
Cicc est soutenu dans cet ambitieux projet par la World cocoa
foundation (Wcf), un organisme international qui fait la promotion de
l’économie du cacao. Guillaume Keng fait partie des jeunes ayant
bénéficié des subventions de la WCF et il n’hésite pas à exprimer sa
fierté. «Grâce à l’agriculture, je me sens à nouveau homme. Je peux
m’occuper d’une famille. Je vais bientôt me marier et j’espère ensuite
construire une maison», dit-il avec un large sourire. A ce jour, le
programme New Generation dit avoir déjà formé 708 jeunes ce qui
correspond à plus de 1800 hectares de nouvelles plantations créées «et
une augmentation d’environ 2500 tonnes de cacao produits».
David
Gwett III, âgé de 15 ans et élève en classe de 4ème, est l’un des plus
jeunes bénéficiaires de New Generation. Il a intégré le programme il y a
juste trois mois et n’hésite pas à donner ses motivations. «J’investi
pour le futur. Mon père a déjà 60 ans. Je sais que lorsque j’arriverais
en classe de terminale, mon père ne sera peut-être plus vivant ou n’aura
plus la force de travailler pour payer mes études universitaires. A ce
moment là, je pourrais compter sur les revenus de ma plantation pour
payer mes études», dit Gwett III.
Beaucoup
d’autres jeunes trouvent satisfaction à retourner au village. C’est le
cas de Patrick Ewolo qui est aujourd’hui maraicher. Il cultive des
choux, de la tomate, du persil et du céleri à Mbalmayo, une ville située
à environ 45km de Yaoundé. Agé de 32 ans, le jeune homme a occupé
plusieurs petits métiers à Yaoundé avant de retourner au village. «J’ai
été vendeur à la sauvette, porteur de bagages à la gare-routière puis
moto-taximan pendant trois ans. En 2013, j’ai été agressé, on a volé la
moto que je conduisais et mon patron m’a chassé. J’ai passé environ
quatre mois sans emploi puis j’ai décidé de retourner au village»,
justifie Ewolo.
De retour au village,
il a commencé par travailler comme employé agricole. Après un an, il
dit avoir eu assez d’économies pour louer un terrain dans un marécage et
commencer son propre champ. «Je suis satisfait aujourd’hui. Maintenant,
lorsque je retourne en ville, j’y vais pour mes courses, avec de
l’argent en poche et non pour me chercher. La terre paye beaucoup mieux
que la moto», conclut Ewolo.
http://www.camer24.de/ces-chomeurs-qui-optent-pour-lagriculture/
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