Et le sexe du soir est une arnaque!
Quand les animaux copulent, la chose suit en général une certaine logique. En période de chaleurs, les lionnes peuvent se faire grimper dessus plusieurs dizaines de fois par jour, et souvent par différents lions. Certaines bestioles préfèrent se la coller le jour pendant que leurs prédateurs nocturnes roupillent. Les lamantins mâles attrapent les femelles dans des eaux peu profondes, ce qui facilite l'acte d'amour.
Chez les humains, la question relève davantage de la commodité et du confort. Nous forniquons dans des lits parce que c'est agréable, qu'il est facile de fermer la porte de sa chambre et qu'il n'y a pas à se creuser trop la tête pour laver des draps, contrairement à un canapé post-coït. Et parce que le sexe se fait généralement dans un lit, il survient en général au moment de dormir. En 2005, une petite étude menée par Roberto Refinetti, biologiste à l'université de Caroline du Sud, consignait les habitudes sexuelles de quelques dizaines d'adultes: la majorité des parties de jambes en l'air avait lieu les week-ends et juste avant l'heure de coucher des participants, soit entre 23h et 1h du matin. En 1982, une étude plus conséquente portant sur des couples mariés trouvait que, pour les deux tiers des volontaires, les activités sexuelles se déroulaient entre 22h et 1h. Interrogés sur les raisons d'un tel emploi du temps, 72% des cobayes de Refinetti avaient répondu qu'il s'agissait d'un moment de liberté pour les deux partenaires, ou tout simplement parce que le couple était d'ores et déjà au lit. Seulement 28% avaient lié le phénomène à une réelle spontanéité sexuelle.
Briser les chaînes du sexe pré-sommeil
Quelle bien triste, absurde et ennuyeuse manière de structurer une vie sexuelle. Si le sexe était un projet de dîner et le capitalisme un convive, c'est un peu comme si les humains lui disaient «Je ne sais pas, tu choisis». Nous faisons du sexe le soir et les week-ends parce que ce sont des moments où ne nous travaillons pas. Nous baisons avant de dormir parce que nous nous sommes déjà déshabillés, que nos dents sont déjà lavées et que nous nous sommes déjà installés en position horizontale. Par paresse intellectuelle et physique, le sexe par défaut se joue le soir, parce que c'est pratique et que telle est notre petite habitude. Reste que si les humains entendent jouir du plein potentiel de leurs rencontres sexuelles, il nous faut briser les chaînes du sexe pré-sommeil, et ouvrir les bras à un moment bien plus sexuellement propice: le matin.
À considérer que le sexe puisse être analysé et planifié –les données sexuelles ne sont pas en elles-mêmes synonymes de spontanéité– le matin est en réalité bien plus logique. Le soir, vous avez tendance à être fatigué, et à le devenir de plus en plus. Le matin, c'est l'inverse: vous sortez du sommeil pour aller vers l'éveil. Le soir, les gens luttent contre le besoin de dormir, déclenché par l'arrivée sous la couette vers 23h, avant de s'accorder un petit passage de stimulation sexuelle, suivi par une plongée définitive dans les bras de Morphée. Le matin, la sortie du lit s'accompagne d'une levée des inhibitions, le sommeil s'efface à mesure que le rythme cardiaque s'accélère, pour disparaître totalement une fois la chose terminée. Le sexe est un anti-stress, parfait pour se détendre avant une longue journée et ses endorphines euphorisantes et énergisantes. Soit tous les bénéfices d'une séance de yoga ou de running matinal, sans les inconvénients d'avoir à sortir de son lit et de quitter la personne avec qui nous le partageons.
Avant que l'éclairage public et domestique ne permette aux humains de travailler, de manger et de faire sa vie à des heures indues, les gens dormaient en deux courtes tranches. Ils se mettaient au lit à peu près deux heures après le coucher du soleil, se levaient à l'aube, restaient debout pendant une ou deux heures, puis retournaient ronfler. Certains profitaient de ce temps pour lire ou discuter avec leur famille. Beaucoup faisaient l'amour. Si on en croit la BBC, un manuel médical français datant du XVIe siècle conseillait aux couples de s'unir «après le premier sommeil» plutôt que d'attendre la nuit suivant la journée de travail, tant cela leur permettait de mieux en profiter et d'en retirer davantage de plaisir. Selon une étude désormais célèbre de 1992, les humains forcés de passer leur journée dans l'obscurité se calent naturellement sur des cycles de sommeil/veille de quatre et deux heures, tout comme leurs ancêtres. Le sexe post-sommeil, ou matinal, relèverait donc d'une tradition humaine immémoriale. Autant l'honorer.
Rendez-vous le dimanche à 9h du matin
Bien évidemment, le sexe matinal est encore une habitude pour beaucoup de gens. Selon une récente enquête menée auprès de 2.000 Britanniques, le dimanche à 9 heures du matin est le moment sexuel favori. «Je ne suis pas du tout étonnée de ces résultats», commente dans le Daily Mail une porte-parole de Superdrug, la chaîne de parapharmacies à avoir financé l'étude. «Le dimanche matin, les gens ont du temps devant eux, ils sont plus détendus». Le sexe vespéral semble quant à lui privilégié par les célibataires, la chose venant clôturer une soirée, un rendez-vous, et l'alcool aidant souvent à délier les esprits. Reste que selon une amie, le sexe matinal est un meilleur indicateur de compatibilité physique. Au lendemain d'une soirée arrosée, faire l'amour au matin permet d'ailleurs d'améliorer les performances.
Aucune étude scientifique ne prouve que le plaisir serait décuplé le matin, mais les hormones sexuelles ont tendance à fluctuer au cours de la journée. La plupart des hommes connait un pic de testostérone, une hormone associée à la libido, le matin. Selon certains chercheurs, on pourrait même comparer le phénomène à un cycle menstruel quotidien. Si on en croit une petite étude publiée en 2003, le pic d’œstrogènes intervient chez les femmes entre 6 et 9 heures du matin, et plusieurs études laissent entendre que les œstrogènes sont au plus haut pendant l'ovulation, ce qui inciterait les femmes à batifoler.
Dans l'étude de 1982 sur l'emploi du temps sexuel, les femmes consignent un nombre significativement plus élevé d'orgasmes entre 12h et minuit qu'entre minuit et 11h du matin. Sur ce point, la science est molle, mais de nombreux amis et collègues m'ont fait remarquer combien mon hypothèse était hautement improbable du fait de l'haleine de chacal et de la tête de cul que tout un chacun se coltine au réveil, ce qui en ferait deux des plus importants inhibiteurs de sexe et d'orgasmes matinaux. Que cessent ces excuses foireuses: tout le monde peut prendre trois minutes pour se décrotter les yeux et se rincer la bouche avant de se tripoter. (Dans Maxim, Zeynep Yenisey conseille même de passer à la douche, de mettre du déodorant et de se recoiffer avant de s'envoyer en l'air au saut du lit, mais sauf si vous avez l'intention de coïter à la Nadine de Rothschild, cela semble un peu extrême).
L'autre plus gros obstacle au sexe matinal –le travail– est bien plus dur à surmonter. Oui, si vous voulez forniquer en semaine, vous allez devoir vous lever plus tôt. Mais ne vous asseyez pas trop vite sur les bénéfices esthétiques du sexe à l'aube. Le soir, les protagonistes apprécient une lumière tamisée, voire préfèrent folâtrer dans le noir complet. Au matin, baignant dans la joie de vous réveiller aux côtés d'une personne que vous appréciez assez pour lui accorder un bout de votre couche, laissez les tendres rayons du soleil vous mettre en valeur. Comment envisager une meilleure façon de commencer sa journée?
http://www.slate.fr/story/138224/sexe-du-soir-arnaque
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