Un avion-espion américain U2Le 1er mai 1960, un avion-espion américain U-2 est abattu par les Soviétiques tandis qu'il survole l'Oural à 19 000 mètres d'altitude.
Le pilote, Francis Gary Powers (30 ans), a le temps de s'éjecter mais il est capturé par les agents du KGB, la police secrète de l'URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques, désignation temporaire de la Russie et de ses dépendances).
Le secrétaire général du Parti communiste d'URSS, Nikita Khrouchtchev, est informé de l'incident pendant qu'il assiste au traditionnel défilé du 1er Mai sur la Place Rouge, à Moscou. Il garde le secret pendant 5 jours et révèle la destruction de l'avion au cours d'un discours devant le Soviet Suprême.
Les Américains, sur la foi de leurs services secrets, croient que leur pilote est mort. Ils prétextent un vol de routine. Là-dessus, le 7 mai, Khrouchtchev abat son joker et rend publics la situation de son prisonnier et ses prétendus aveux.
Gary Powers était en service commandé de la CIA (Central Intelligence Agency) et non de l'armée américaine.
Il est condamné pour espionnage à dix ans de prison mais échangé dès 1962 contre un agent soviétique né en Angleterre, qui se fait appeler « Abel » et a été arrêté en 1957.
Mort dans un accident d'hélicoptère en 1977, le pilote recevra les honneurs militaires à titre posthume le 1er mai 2000 seulement...
Échec à la détente
L'administration américaine est ridiculisée par l'incident et le président Dwight Eisenhower se voit contraint de renoncer à une rencontre au sommet à Paris, avec Khrouchtchev, De Gaulle et MacMillan, Premier ministre britannique, qui devait préparer un traité de limitation des essais nucléaires. C'est un arrêt brutal du processus de détente qui avait été initié par Nikita Khrouchtchev en personne en vue de mettre fin à la guerre froide.
Par un effet boomerang, le maître du Kremlin voit du coup sa situation fragilisée à la tête de l'URSS. Les durs qui lui reprochaient la dénonciation des crimes de Staline, la rupture avec les Chinois et le rapprochement avec les Américains commencent à redresser la tête. La reculade soviétique lors de la crise des fusées, à Cuba, lui portera le coup de grâce.
Khrouchtchev sera démis de ses fonctions en 1964 par une troïka dirigée par Leonid Brejnev et l'URSS replongera dans une semi-glaciation.
Le vol de l'U-2 et l'échange des agents Abel et Powers ont inspiré au cinéaste Steven Spielberg un « polar » palpitant, Le pont des espions (2015).
Joseph Savès
1er mai 2011 - 27 avril 2014
Jean-Paul II, «Bienheureux» et Saint
Le 1er mai 2011, sur la place Saint-Pierre de Rome, s'est déroulée la messe de béatification (*) de Karol Wojtyla, pape sous le nom de Jean-Paul II, de 1978 à 2005.
Le 27 avril 2014, le nouveau « Bienheureux » a été canonisé et inscrit au catalogue des Saints, de même que son prédécesseur Jean XXIII, au terme d'une nouvelle cérémonie, encore plus médiatisée, avec une messe concélébrée par le pape François et son prédécesseur (Joseph Ratzinger, ex-Benoît XVI).
C'est l'aboutissement d'un processus complexe dont l'Église catholique a le secret, même si elle n'a pas le monopole de la sainteté.
Presque tous les papes du dernier siècle ont un dossier de canonisation en cours mais ceux-là seuls ont abouti. Il est vrai que Jean XXIII avait failli être sanctifié par acclamation des évêques lors du concile Vatican II qu'il initia, et Jean-Paul II par acclamation de la foule lors de ses funérailles.
Le dossier de canonisation le plus sensible est celui de Pie XII, aujourd'hui « simple vénérable » (le stade précédant la béatification) : le pape de la Seconde Guerre mondiale a autant de promoteurs et de détracteurs au sein du clergé que chez les laïcs.
Honneur aux martyrs
Sur les 265 papes (*) officiellement recensés depuis l'apôtre Pierre, 78 ont été canonisés et 11 en sont restés au stade de la béatification. L'immense majorité l'ont été au cours du premier millénaire, avant que ne se mette en place une procédure de canonisation rigoureuse, avec enquête, procès contradictoire...
Il faut reconnaître que les premiers papes, comme l'ensemble des évêques, ne manquaient pas de courage, sinon de mérites. Jusqu'à l'édit de tolérance de l'empereur Constantin, en 312, les persécutions alternent avec des périodes plus clémentes. Et le martyre est souvent le lot commun de la plupart des premiers papes, dans le sillage de l'apôtre Simon Pierre, crucifié sous Néron la tête en bas selon la tradition, déclinant l'honneur de mourir comme son maître.
Clément Ier est noyé, Alexandre Ier a le corps percé par une multitude de coups de poinçons avant d'être décapité, Calixte Ier est massacré lors d'une émeute, Sixte II est décapité en pleine cérémonie clandestine.
C'est sans compter les exils et les multiples emprisonnements qui conduisent au trépas les papes Anthère, Corneille, Jean Ier ou Silvère, qui meurt de faim, abandonné sur une île. Marcel Ier, lui, est condamné à devenir esclave et chargé d'entretenir des écuries installées dans sa propre église !
Le dernier martyr est Martin Ier (649-656). Il a le tort de contester l'empereur byzantin sur un point de doctrine. L'empereur le fait enlever et dépouiller de ses vêtements sacerdotaux devant la cour, avant de le faire promener dans les rues de Constantinople, une lourde chaîne autour du cou, alors que le vieil homme peut à peine marcher. Martin finit ses jours au fond d'un cachot.
D'autres papes des premiers siècles ont été canonisés en vertu non de leur martyre mais de leur œuvre pastorale, tout simplement. C'est le cas de Grégoire le Grand (590-604), premier pape évangélisateur, ou encore de Léon le Grand (440-461), connu pour avoir détourné Attila de Rome.
À l'époque carolingienne, le pape n'est plus seulement l'évêque de Rome mais le chef de l'Église universelle (catholique), du moins aux yeux des Occidentaux. C'est également le souverain temporel des États pontificaux, une principauté italienne parmi d'autres.
Un brevet chichement accordé
Au tournant de l'An Mil apparaît pour la première fois le terme « canoniser » qui désigne la procédure de reconnaissance de la sainteté avec des débats contradictoires, des témoignages, une préparation rigoureuse du dossier et de l'argent pour payer les enquêtes et les greffiers, ainsi que la reconnaissance d'au moins deux miracles accomplis par l'impétrant avant ou après sa mort.
L'institution est désormais beaucoup plus prudente sur l'attribution du précieux brevet. C'est au point que seuls cinq papes sur plus de 130 ont été déclarés saints au cours du deuxième millénaire.
En canonisant Léon IX et Grégoire VII (XIe siècle), l'Église a voulu reconnaître en eux les grands promoteurs de la réforme grégorienne qui a revitalisé la chrétienté, renforcé le clergé et redressé l'institution. Victor III, dont le règne fut bref et plutôt chaotique (1085 à 1087) fait figure d'exception car il sera déclaré saint à la fin du XIXe siècle, sans aucun procès en canonisation, uniquement par décision de Léon XIII !
La procédure est beaucoup plus sérieuse avec Célestin V, qui fut pape seulement cinq mois en 1294 avant d'oser démissionner - cas unique et vrai scandale à l'époque -, mais dont la vie ascétique et les nombreux miracles avaient contribué à sa légende.
Simple ermite avant d'être élu successeur de Saint Pierre, il marchait pieds nus et ne mangeait que les fruits de la forêt et les légumes apportés par les fidèles ou visiteurs qu'il guérissait à l'occasion : 14 sur 19 miracles reconnus furent acceptés par l'Église pour le canoniser.
Avec Pie V (1566-1572), c'est un guerrier de la foi que l'Église a voulu honorer : ancien Grand Inquisiteur (il s'était d'ailleurs permis de critiquer son prédécesseur Pie IV pour son népotisme), champion de la lutte contre l'hérésie (le protestantisme est en plein essor), il remet de l'ordre dans le clergé et dans les rites des célébrations, tout en organisant contre les Turcs une croisade qui se solde par la victoire navale de Lépante. Plus de 69 miracles sont répertoriés dans son procès visant sa canonisation.
Pie X (1903-1914) est le dernier pontife à avoir été sanctifié, non sans mal. Personne ne remit en cause les vertus cardinales et morales de l'ancien fils de facteur devenu chef des catholiques. En revanche, si sa lutte contre le modernisme était vue comme l'œuvre d'un bon pape, le promoteur de la foi (l'avocat du diable) pointa un certain« acharnement » dans ce combat, « en dépassant les frontières de la prudence et de la justice ». Pie X a été finalement béatifié en 1951 et canonisé en 1954.
Bibliographie
Pour en savoir plus, je recommande la lecture du dernier ouvrage d'Yves Chinon,Enquête sur les béatifications et les canonisations (Perrin).
https://www.herodote.net/1er_mai_1960-evenement-19600501.php
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