LE PLUS. Comment savoir qu'on est victime de harcèlement au travail ? Quelles preuves faut-il rassembler quand on l'a compris ? Comment se battre pour ne pas sombrer ? Voici les conseils de Romain Omer, avocat spécialiste du droit du travail.
Le plus dur pour le salarié ? Diagnostiquer qu'il est harcelé. (MARTTILA/SIPA).
De nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la
fréquence et de l’intensité des facteurs de stress en entreprise.
Certaines méthodes de management utilisées aujourd'hui provoquent des
risques psychosociaux en augmentation, qui nuisent à la fois à la santé
des salariés et à l’efficacité de l’entreprise.
Parmi les cas les plus connus, on peut citer la condamnation de
France Télécom en mars 2010 par la cour d'appel de Paris. L’opérateur a
été condamné à verser 400.000 euros à un ex-haut cadre de l'entreprise pour harcèlement moral après l'avoir "laissé pendant deux ans et demi sans affectation ni travail précis". De même, Renault a été condamné pour "faute inexcusable"
après les suicides de trois de ses salariés fin 2006-début 2007 sur
leur lieu de travail. Faute reconnue à nouveau en juin dernier.
En octobre 2006, un ingénieur de 39 ans s’était donné la mort en se
jetant d’une passerelle du Technocentre. Ce suicide avait été suivi d’un
second en janvier 2007, puis d’un troisième le mois suivant. Dans la
lettre qu’il avait laissée pour justifier son geste, le technicien
décédé le 16 février 2007 expliquait qu’il ne se sentait pas capable de
faire ce travail, que le travail était "trop dur à supporter". La
justice a estimé que la direction n’avait pas pris les mesures
nécessaires pour protéger ses collaborateurs.
Le harcèlement moral selon le Code du travail
Il est extrêmement difficile pour un salarié d’identifier une
situation de harcèlement moral : quelle est la limite que ne doit pas
franchir un employeur ?
L'article L 1152-1 à 3 du Code du travail définit de la manière suivante le harcèlement moral :
"Aucun salarié ne doit subir les
agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour
effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter
atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou
mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucun salarié ne
peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure
discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de
rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de
qualification, de classification, de promotion professionnelle, de
mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de
subir, les agissements définis à l'alinéa précédent ou pour avoir
témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Toute rupture du
contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte
contraire est nul de plein droit."
De plus, le Code du travail en son article 1152-4 du Code du travail
précise : "Il appartient au chef d'entreprise de prendre toutes
dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements visés à
l'article susvisé".
Prouver le harcèlement moral : mode d’emploi
Tout salarié qui se considère comme étant harcelé doit impérativement
collecter tous les éléments de preuve des agissements de harcèlement
moral.
L'article 1154-1 du Code du travail prévoit en effet que le salarié
doit établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'un
harcèlement. Devant le Conseil des prud'hommes, tout sera affaire de
preuve. Des attestations de collègues, ou de supérieurs hiérarchiques
constituent la preuve parfaite. Les éléments de preuve démontrant
l'impact des agissements de harcèlement sur la santé mentale et/ou
physique du salarié, notamment par l’attestation d’un médecin traitant,
d’un psychiatre ou d’un psychothérapeute, doivent également être
apportés. Enfin, il convient de démontrer la répétition et la récurrence
desdits agissements. Un agissement isolé peut être illégal sans pour
autant constituer un harcèlement moral au sens du code du travail.
Quelles sanctions ?
Si le harcèlement dont est victime un salarié est le fait d'un de ses
collègues, ce dernier est passible d'une sanction disciplinaire qui
peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave. Le harcèlement moral
est également un délit puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000
euros d'amende. Enfin, l'auteur de harcèlement moral peut devoir verser à
sa victime des dommages-intérêts. En tout état de cause, il est
important de réagir très vite. Plus la situation de harcèlement perdure,
plus les conséquences en seront traumatiques et profondes, et plus la
victime aura du mal à s'en remettre.
0 commentaires: